Je ne crains pas de désacraliser le « sacro-saint » assemblage estimant que, comme dans un plat, ce n’est pas la recette qui importe mais le goût du produit fini. En effet, même si on révèle la recette, il manquera toujours la « pâte » du vinificateur. Le vinificateur est un personnage singulier, sous influence (du maître de chai, de l’œnologue voire du directeur technique) mais qui a le dernier mot quant à la sélection du vin de l’année (celui qui portera les couleurs de la propriété, souvent appelé "le grand vin") et les autres. La plupart du temps il s’agit du propriétaire ou du dirigeant de la société gestionnaire du domaine.
Pour faire un grand vin, comme pour réaliser un mets de qualité, l’auteur a besoin d’avoir à sa disposition une belle matière première, de beaux raisins. Le jus passe ensuite par deux phases : la fermentation et l’infusion ou macération. Pour imager le résultat : c’est un peu comme du thé avec un « zeste » d’alcool où les fruits auraient été préférés aux feuilles.
L’assemblage est comme un examen de passage, comme le « Bac ». Les dégustateurs sont à l’image des examinateurs ; ils ont une idée du niveau de l’examiné. Ils connaissent son dossier. Tel est notre cas lors de l’assemblage car nous avons une vision, dans le temps, de la production des différentes parcelles de la propriété.
L’assemblage est pour le propriétaire comme la touche finale à la réalisation d’un tableau. Il est à l’origine de la palette par le choix qu’il a fait des cépages et de leur proportion dans le vignoble. À DESMIRAIL, nous retrouvons les quatre cépages principaux du Médoc (Cabernet Sauvignon, Merlot, Cabernet Franc et Petit Verdot) qui viennent apporter leur contribution. Il s’agit de marier ces cépages comme un artiste marie ses couleurs.
L’assemblage consiste à choisir les cuves et à les assembler. Les jus provenant des diverses parcelles sont tout d’abord sélectionnés. En bordelais, il est d’usage de choisir en premier les Merlots, davantage sur la rondeur et le fruité, puis les Cabernets Sauvignons, plus taniques et plus austères. Ces deux cépages seront la base de notre recette, auxquels nous ajouterons, tel des épices, et dans une moindre proportion, deux cépages « complémentaires » : le Petit-Verdot et le Cabernet Franc.
Enfin vient la presse, je ne recule pas devant un jeu de mot facile : « il est utile d’avoir bonne presse ». Une bonne presse c’est une presse amélioratrice c’est-à-dire plus structurée que le jus de goutte. Les presses ont auparavant été présélectionnées en deux ou trois lots et si l’on vous invite à faire cette présélection je vous conseille de décliner l’invitation. En effet la vigueur des tanins est rude au palais. Un pourcentage de presse est incorporé au jus de goutte de 5 à 15 % suivant le millésime avant que le vin ne soit entonné dans les barriques.
Ensuite, il reste à attendre deux ans, dont une année d’élevage en fûts, avant que ce produit original se trouve disponible prêt à être consommé, tout en pouvant pour un grand vin bordelais, longtemps se conserver.
Denis Lurton, le 20 novembre 2024